BTP : le colosse au pied d’argile vacille

 

Selon les estimations de la Fédération Française du Bâtiment, le secteur du BTP marquerait un recul de 18 % pour l’année 2020. Si le covid n’est pas étranger à ce marasme, Marie-Ange Gay Ramos, présidente de la FFB Nouvelle-Aquitaine, fustige également la lenteur des instructions des permis de construire. Interview sans langue de bois.

Avant la crise du Covid-19, comment se portait le secteur du bâtiment ?

Marie-Ange Gay Ramos : Plutôt bien, et c’est là toute l’ironie de l’histoire. De 2008 à 2018, le secteur du bâtiment a connu une véritable traversée du désert, une décennie noire dont il se relevait à peine. L’année 2020 annonçait un renouveau, avec des carnets de commande bien remplis et une confiance retrouvée. La bonne visibilité des chantiers à 12 mois laissait augurer de nouveaux investissements. A la clé, des nouveaux emplois, puisque la construction d’un logement neuf garantit 2 emplois en moyenne. En somme, tous les voyants étaient au vert pour renouer avec la croissance, après des années de disette et de trésorerie en berne.

Le 16 mars dernier, c’est le confinement. Un coup dur pour le secteur ?

M.A.G.R : Oui, un vrai coup de massue. Nous n’étions pas préparés à ce cas de figure inédit, et ce brusque coup d’arrêt a été vécu comme une sanction. Contrairement à d’autres secteurs d’activité, les chantiers n’étaient pas officiellement contraints de s’arrêter. La feuille de route du gouvernement manquait de clarté. D’un côté, on nous sommait de reprendre le travail. De l’autre, nous avions donné par solidarité tous nos masques aux établissements hospitaliers. Impossible donc, de travailler sur les chantiers sans prendre le risque d’être contaminés. Nous avons engagé un bras de fer avec le Ministère du Travail, afin d’obtenir la mise en place du chômage partiel pour la profession. Une petite victoire, face au cataclysme subi : 95 % des entreprises du BTP ont marqué un arrêt net de leurs activités… La reprise en mode dégradé s’est opérée mi-juin, avec des règles sanitaires strictes, parfois impossibles à respecter, comme l’interdiction de la co-activité sur les chantiers !

Aujourd’hui, quelles sont les priorités ?

M.A.G.R : Essentiellement retrouver le rythme de croisière que nous avions durement acquis avant le Covid19. Les opérations en cours se terminent, d’autres sont en phase de démarrage. Mais après ? En Nouvelle-Aquitaine, nous sommes clairement dans le rouge pour les mois à venir. 11 000 permis ont été délivrés entre mai et juillet en 2019. Seuls 6 000 permis ont été validés sur la même période en 2020 … Pendant le confinement, les instructions de permis se sont arrêtées net, sans raison. C’est inadmissible, car ce temps de latence pénalise toute la profession, qui va connaître des jours sombres à l’horizon 2021. Arrêtons d’asphyxier un secteur, pourvoyeur d’emplois ! Il faut tendre aujourd’hui vers un allègement de l’instruction des permis de conduire (14 mois en moyenne). C’est un sujet attendu, et la FFB entend faire entendre sa voix, en faveur d’une dématérialisation des dossiers.

Quelles sont les pistes de réflexion pour renouer avec la croissance ?

M.A.G.R : Le plan de relance de 7 milliards d’euros met l’accent sur les projets de rénovation énergétique. Des dispositifs incitatifs comme « ma Prime Rénov » offrent également de nouvelles opportunités pour les artisans.
Actuellement, nous travaillons avec la Région Nouvelle-Aquitaine sur un plan de relance afin de préparer la reprise. Outre l’accélération des appels d’offres et des mises sur chantier, nous réclamons une transparence de l’information sur les nouveaux projets à venir. Notre crainte majeure ? Une offre de prix anormalement basse pour récupérer des marchés.

Cet effet dumping est délétère pour toute la profession car il entame nos marges et ne permet pas aux petits artisans de survivre. Autre point de friction : le Zéro Artificialisation Net (ZAN). Le secteur du BTP a su montrer son engagement en faveur de la biodiversité, de la transition énergétique et environnementale. C’est, du reste, l’un des rares secteurs à proposer des solutions concrètes en la matière, pour construire « responsable ». Toutefois, je pense qu’il y a un juste équilibre à trouver entre le 0 Artificialisation et le 100 % béton…


Chaque année, Bordeaux Métropole accueille plus de 6000 nouvelles personnes. Où allons-nous les loger si nous n’avons plus le droit de construire ? Dans les discours, on entend parler de « réhabilitation », de « rénovation ». En théorie, la promesse semble séduisante. Mais dans les faits, une réhabilitation coûte cher, et les communes n’ont aucun budget…
Aujourd’hui nous demandons la création d’un comité de suivi, afin de discuter sur ces sujets d’environnement, d’innovation, d’emploi… Nous souhaitons également que les dispositifs de soutien à l’apprentissage soient pleinement intégrés aux clauses sociales.


Les chiffres du bâtiment en Nouvelle-Aquitaine
11,9 milliards
d’euros de chiffre d’affaires
57 579 établissements (28 528 sont des entreprises individuelles)
5 118 créations d’emplois
125 000 actifs
dans le bâtiment
10 200 jeunes en apprentissage

CPME Gironde